jeudi 1 avril 2010

"Le corps amazone" (74'), 2010

Un film sur ce qu’on gagne en perdant

Dans le film ‘Le corps amazone,’ vous allez découvrir des femmes qui ont survécu à un cancer du sein. Dans la bataille, elles ont toutes laissé un sein. Pendant le film, elles nous font part de la façon dont elles se sont réapproprié leur corps, leur être.

Avant de commencer ce projet, je n’avais eu aucun lien intime avec le cancer – ni dans ma famille, ni parmi mes amis. Ce qui me parlait beaucoup dans cette « aventure », c’était cette question de comment continuer après qu’un accident de la vie soit arrivé. Comment se reconstruire, comment redevenir maître de sa propre vie. Comment inventer une normalité pour soi, une normalité autre que la normalité ‘normale’. Comment accepter quelque chose qu’on n’a pas choisi. Comment retrouver la joie, l’envie, la vie. Et aussi ce désir d’entendre des récits d’autres qui sont déjà passés par là, de partager un vécu pour qu’il soit moins lourd.

Dans tout le film la question – où est-ce que je suis femme ? – se pose. L’image du corps nous renvoie à des représentations que nous avons et que nous ne questionnons pas en règle générale. Le travail du photographe et des artistes invite à réfléchir sur la beauté.

Ce film m’a fait rencontrer des femmes qui m’ont littéralement fascinée. Je ne suis pas engagée dans des batailles féministes et je ne suis pas très axée sur les associations exclusivement féminines, mais les femmes que j’ai pu rencontrer m’ont complètement surprise par leur force et énergie, tout en les sentant fragiles. Pour le dire différemment : elles sont étonnement vivantes. On se mettrait à les envier si on n’avait pas si peur du crabe…

Chacune des femmes filmées a - pour des raisons différentes - décidé de ne rien changer à son nouveau corps, de rester comme ça, « asymétrique ». Pourtant, avec les moyens de la chirurgie esthétique d’aujourd’hui, une reconstruction du volume perdu est possible. Au début du film, j’avais envie de rencontrer des femmes ayant choisi de faire une reconstruction. Mais, au fur et à mesure que le projet a avancé et que j’ai entendu les récits des unes et des autres, je me suis aperçue que ce qui comptait pour moi, c’était celles qui avaient choisi de se reconstruire autrement en acceptant l’ablation sans reconstruction physique. Je voulais être là où les vraies histoires avaient eu lieu.

Il ne faut pas en conclure que je suis contre une reconstruction chirurgicale. Au contraire, si cela permet à une femme de retrouver son équilibre et son bonheur, tant mieux. Mais pour moi, qui fait un film, qui veut raconter une trajectoire de vie, ça ne me parlait pas de la même manière. Si je devais faire un film avec des gens en surpoids, je ne filmerais pas ceux qui ont réussi à maigrir. Je ne voulais pas être dans la normalité ‘normée’.

En envisageant l’acceptation de la métamorphose physique imposée par le cancer, les femmes dans mon film ont dû grandir, s’élever, faire l’effort pour dépasser le deuil, l’angoisse, la colère et l’amertume. Pour moi, l’important était de savoir en quoi cet accident de vie pouvait-il avoir du positif, et de le communiquer par mon film, un film sur ce qu’on gagne en perdant.

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