vendredi 9 avril 2010

jeudi 1 avril 2010

le corps amazone





                                                                   Dora & Cy - © Art Myers

Au moment de la prise de vue, Dora avait 85 ans. “Il faut que cela sorte du placard”, avait-elle dit, contrairement aux conseils qui lui avaient été prodigués de dissimuler la cicatrice, surtout aux yeux de son mari. Elle ne l’a jamais fait. Pour son mari, partager sa vie, cela voulait dire aussi voir, toucher cette cicatrice sur sa poitrine.

En 2000, suite à un cancer, Annick a subi l’ablation d’un sein. Elle a choisi de rester “asymétrique”. Mais le regard que portent les autres sur son corps reste blessant. Pour rompre le tabou et le silence sur les conséquences du cancer, elle monte avec d’autres femmes un projet d’exposition artistique autour de l’idée du ‘corps amazone.’ Avec l’aide du photographe américain Art Myers, le film questionne au-delà de la maladie cette réappropriation du corps qui est aussi un retour à la vie. Par ce jeu de regards et de représentations, “Le Corps Amazone” interroge la vision de la femme et de la beauté féminine soumis aux normes de la société.


Annick est le fil rouge de notre récit. Le film la suit pendant la mise en place de l’exposition qui questionne notre vision du corps féminin. Le travail du photographe approche la nudité du corps en apprivoisant le regard et en permettant ainsi la découverte de ces corps autrement que dans un mouvement de recul. L’image se révèle dans la mise en lumière de la pose. Il importe que le film donne à voir ces femmes, uniques et belles, autrement.
Luce, Bénédicte, Cathie et Lyne, femmes-amazones, chacune engagée différemment dans la bataille pour la vie, nous font découvrir à la fois leur force et leur fragilité, leur cicatrices, leur féminité et leur beauté.
Le film confronte des points de vue et déplace un tant soit peu le regard consensuel à travers l’image de ce qui pourrait apparaître pour certains comme irrecevable, l’ablation d’un sein. Voir autrement, n’est-ce pas aussi comprendre autrement ? Si “Le corps amazone” n’est pas un film sur le cancer du sein à proprement parlé, la maladie n’en est cependant pas moins présente, et ce, de façon indirecte. Evoquer le cancer fait penser à la mort, néanmoins, ce film est devenu une ode à la vie et à la beauté des femmes.


film documentaire de 
Anja Unger

produit par l'Oeil Sauvage en coproduction avec France 3 Bourgogne-Franche Comté/ Images Plus avec le soutien du CNC, de la région Rhône-Alpes et Bourgogne, du Conseil Général du Val de Marne, de la Procirep-Angoa et du fonds d'aide à l'innovation audiovisuelle
www.oeilsauvage.com
versions 52' et 74' disponible (et versions anglaises sous-titrées)
Ce film a reçu l'aide à l'écriture du CNC et de la Région Rhône- Alpes

image - Arlette Girardot, son - Pascale Mons, montage - Stéphane Perriot, - musique - Hervé Birolini, mixage - Myriam René

"Le corps amazone" (74'), 2010

Un film sur ce qu’on gagne en perdant

Dans le film ‘Le corps amazone,’ vous allez découvrir des femmes qui ont survécu à un cancer du sein. Dans la bataille, elles ont toutes laissé un sein. Pendant le film, elles nous font part de la façon dont elles se sont réapproprié leur corps, leur être.

Avant de commencer ce projet, je n’avais eu aucun lien intime avec le cancer – ni dans ma famille, ni parmi mes amis. Ce qui me parlait beaucoup dans cette « aventure », c’était cette question de comment continuer après qu’un accident de la vie soit arrivé. Comment se reconstruire, comment redevenir maître de sa propre vie. Comment inventer une normalité pour soi, une normalité autre que la normalité ‘normale’. Comment accepter quelque chose qu’on n’a pas choisi. Comment retrouver la joie, l’envie, la vie. Et aussi ce désir d’entendre des récits d’autres qui sont déjà passés par là, de partager un vécu pour qu’il soit moins lourd.

Dans tout le film la question – où est-ce que je suis femme ? – se pose. L’image du corps nous renvoie à des représentations que nous avons et que nous ne questionnons pas en règle générale. Le travail du photographe et des artistes invite à réfléchir sur la beauté.

Ce film m’a fait rencontrer des femmes qui m’ont littéralement fascinée. Je ne suis pas engagée dans des batailles féministes et je ne suis pas très axée sur les associations exclusivement féminines, mais les femmes que j’ai pu rencontrer m’ont complètement surprise par leur force et énergie, tout en les sentant fragiles. Pour le dire différemment : elles sont étonnement vivantes. On se mettrait à les envier si on n’avait pas si peur du crabe…

Chacune des femmes filmées a - pour des raisons différentes - décidé de ne rien changer à son nouveau corps, de rester comme ça, « asymétrique ». Pourtant, avec les moyens de la chirurgie esthétique d’aujourd’hui, une reconstruction du volume perdu est possible. Au début du film, j’avais envie de rencontrer des femmes ayant choisi de faire une reconstruction. Mais, au fur et à mesure que le projet a avancé et que j’ai entendu les récits des unes et des autres, je me suis aperçue que ce qui comptait pour moi, c’était celles qui avaient choisi de se reconstruire autrement en acceptant l’ablation sans reconstruction physique. Je voulais être là où les vraies histoires avaient eu lieu.

Il ne faut pas en conclure que je suis contre une reconstruction chirurgicale. Au contraire, si cela permet à une femme de retrouver son équilibre et son bonheur, tant mieux. Mais pour moi, qui fait un film, qui veut raconter une trajectoire de vie, ça ne me parlait pas de la même manière. Si je devais faire un film avec des gens en surpoids, je ne filmerais pas ceux qui ont réussi à maigrir. Je ne voulais pas être dans la normalité ‘normée’.

En envisageant l’acceptation de la métamorphose physique imposée par le cancer, les femmes dans mon film ont dû grandir, s’élever, faire l’effort pour dépasser le deuil, l’angoisse, la colère et l’amertume. Pour moi, l’important était de savoir en quoi cet accident de vie pouvait-il avoir du positif, et de le communiquer par mon film, un film sur ce qu’on gagne en perdant.